Comment est fixé le cours de l’or ?
16/04/2025 18:00:00

L’or est reconnu mondialement pour sa stabilité. Mais si la valeur de l’or transcende les frontières, la manière dont est déterminé le cours de l’or demeure plus énigmatique. Depuis 2004, il n’y a par exemple plus de cours officiel de l’or en France. Désormais, la fixation du cours de l’or repose sur un réseau complexe avec une institution clé : le London Bullion Market Association (LBMA).  

Mais comment est déterminé le cours de l’or ? Et comment est organisé le marché de l’or aujourd’hui ? Cet article explore les mécanismes de fixation du cours de l'or, leur évolution historique, et les risques dans le fonctionnement du marché actuel.  

SOMMAIRE DE L'ARTICLE : 

 

La fin de la fixation du cours de l’or en France 

 

Le 2 août 2004, la France a mis fin à la fixation officielle du cours de l'or. Jusqu'à cette date, la Banque de France publiait le cours officiel de l'or, basé sur les échanges réalisés à la Bourse de Paris. Cependant, la réduction du nombre d'acteurs sur le marché français de l'or et l'évolution vers un marché plus globalisé et décentralisé ont contraint à l’arrêt de cette fixation. Depuis cette date, la Compagnie Parisienne de Réescompte (CPR) a alors pris le relais en publiant un cours de référence, connu sous le nom de "CPR Or", qui a ensuite évolué pour devenir "CPoR" avec la création de CPoR Devises.  

Ainsi, la cotation du cours de l’or est publiée chaque jour, à 13 heures, sur le site de Loomis FXGS : Cotation & Produits - FX, Gold and Services. Nous retrouvons notamment la cotation des principaux lingots et pièces en or, comme le célèbre Napoléon 20 francs. Les contours exacts de cette cotation demeurent flous. Comme le soulignait un représentant du CPR Or en 2019 : « nous publions notre cours de référence tous les jours à 13 heures, explique François de Lassus, porte-parole de Cpor. Il est calculé grâce à de nombreux éléments comme le cours de l'once à Londres (NDLR : la référence mondiale), les coûts d'approvisionnement des matières et des ordres d'achat et de vente passés par les banques pour le compte de leurs clients. » 

Ce changement reflète une transition vers l’influence du LBMA à Londres, qui est aujourd’hui la référence mondiale pour le prix de l'or. 

Qui fixe le cours de l’or aujourd’hui ? 

 

Depuis plus de 20 ans, la LBMA s’est imposée comme la place centrale du marché de l’or. La LBMA, ou London Bullion Market Association, est une organisation internationale basée à Londres. Créée officiellement en 1987 sous l'impulsion de la Banque d'Angleterre, la LBMA regroupe aujourd'hui plus de 150 membres issus de plus de 30 pays. Ce marché est né en 1919 de la réunion de cinq banques majeures, dirigées à l'origine par N M Rothschild & Sons, et qui se réunissaient chaque jour dans un bureau londonien pour établir un prix de référence global. Le "London Gold Fixing" fut une première étape de fixation du cours de l’or. L’objectif était de fournir une référence pour les transactions, offrant aux acteurs du marché (mines, raffineries, bijoutiers, banques centrales) une base commune. 

Aujourd’hui, ces membres incluent des banques internationales (comme HSBC, JP Morgan, et UBS), mais aussi des raffineries (telles qu'Argor-Heraeus et Metalor) et des sociétés minières, des transporteurs, et des analystes. En clair, tous les acteurs majeurs du marché y sont présents. La LBMA est également connue pour sa Good Delivery List, qui établit des normes strictes de qualité pour les lingots d'or et d'argent, garantissant leur pureté, leur poids et leur traçabilité.

Le LBMA Gold Price est fixé deux fois par jour, à 10h30 et 15h00 (heure de Londres). Le processus est électronique et repose sur une plateforme d'enchères administrée par un organisme indépendant, ICE Benchmark Administration (IBA). Le prix est déterminé par un mécanisme d'équilibre entre l'offre et la demande des participants accrédités, notamment des banques, des fonds, et d'autres institutions financières internationales.   

Une deuxième place centrale du marché de l’or : le CBOT 

 

Néanmoins, la manière de fixer le cours de l’or de la part de la LBMA n’est pas la plus courante. En effet, comme il est d’usage pour les matières premières, le cours de l’or peut être déterminé par des contrats Futures. Pour rappel, un contrat Future est un contrat par lequel deux parties s’engagent à échanger de l’or à une date future et à un prix prédéterminé. Ainsi, le cours de l’or aux Etats-Unis dépend essentiellement de contrats dérivés. 

Fondé en 1848 à Chicago, le CBOT est l'une des plus anciennes bourses de commerce au monde. Avec le temps, cette place a évolué pour inclure une gamme plus large de produits financiers, y compris les métaux précieux comme l'or. En 2007, le CBOT a fusionné avec le Chicago Mercantile Exchange (CME), formant le CME Group, qui est aujourd'hui l'un des plus grands marchés financiers au monde. C’est ainsi que le COMEX, une division du CME Group, est devenu l’un des principaux marchés pour le trading de l'or. 

Contrairement à la LBMA, le COMEX permet aux investisseurs d'acheter ou de vendre des contrats à terme (essentiellement des Futures) sur des métaux précieux. L’utilité de ces contrats est qu’ils permettent de fixer un prix et une date de livraison futurs, ce qui fournit une couverture contre les fluctuations du cours de l’or, ou encore une opportunité de spéculation

Marché de l’or : plus d’or papier que d’or physique ? 

 

Environ 250 000 contrats « Gold Futures » s’échangent quotidiennement sur le COMEX aux Etats-Unis, ce qui correspond à près de 25 millions onces d’or, ou 72 milliards de dollars en nominal or ! Cela correspond encore à près de 20 % de tout l’or physique qui s’échange annuellement dans le monde d’après le World Gold Council. Depuis 2020, ces contrats sont basés sur une livraison physique. En pratique, la majorité des contrats sur le COMEX sont « roulés » (ou « détruits »), ce qui signifie que les contrats arrivant à échéance sont roulés au mois suivant, limitant la quantité de livraisons physiques.  

En outre, cette méthode de fixation du cours de l’or permet d’observer plus exactement le degré d’optimisme ou de pessimisme des investisseurs. En effet, les contrats dérivés de l’or (futures et options) proposés par le CME offrent l’avantage de mesurer plus facilement divers paramètres :  

  • L’intérêt ouvert sur les contrats, qui peut confirmer ou infirmer la tendance observée sur le cours de l’or. Par exemple, une hausse de l’activité sur le COMEX peut traduire un intérêt plus marqué suite à un mouvement du cours de l’or
  • La volatilité anticipée par les investisseurs, c’est-à-dire l’instabilité du cours de l’or attendue par les investisseurs dans les prochains mois, nous renseigne surtout sur l’état d’esprit du marché. En outre, la volatilité de l’or est souvent comprise entre 10 % et 20 %. C’est-à-dire que l’instabilité du cours de l’or est environ 30 % inférieure à la volatilité des principaux indices boursiers. Le graphique ci-dessous montre le cours de l’or avec sa volatilité.  
  • Divers paramètres « techniques » comme le skew, la convexité, etc. Ces paramètres permettent de juger du degré de confiance des investisseurs et surtout de la direction future du prix de l’or qui est principalement attendu par le marché. Par exemple, une convexité plutôt faible, c’est-à-dire une anticipation d’accélération du cours de l’or plutôt élevée par rapport à la vitesse d’évolution du cours de l’or, est souvent suivie par une forte hausse du cours de l’or dans les mois qui suivent. 

Source : CME Group Volatility Indexes (CVOL) - CME Group 

 

Du côté de Londres, il est également possible de suivre l’évolution des stocks de la LBMA (voir ci-dessous). Par exemple, une diminution des stocks d’or de la LBMA traduit une appétence des investisseurs à retirer l’or de Londres au profit d’autres places, comme New York récemment.  

Source : London Vault Data | LBMA 

 

Le cours de l’or peut-il être « manipulé » ? 

 

La fixation du cours de l’or par la LBMA ou le COMEX a donc des avantages et des inconvénients : 

Avantages : regroupement des principaux acteurs comme les banques et les compagnies minières, centralisation géographique et traitement de flux de gré à gré.  

Inconvénients : forte centralisation du marché, pas de flux induits par les particuliers, manque de transparence sur l’ensemble des transactions.  

Dès lors, des manipulations peuvent se produire plus facilement que sur un marché réglementé. Par exemple, le COMEX a connu d’après Paul Craig Roberts plusieurs manipulations du cours de l’or en 2013 et 2014.  De plus, certaines enquêtes ont révélé que des banques avaient manipulé les prix de l'or lors des fixations quotidiennes à Londres. D’après une étude publiée par des universitaires américains, « la structure de l’indice de référence est certainement propice à la collusion et à la manipulation, et les données empiriques sont cohérentes avec l’artificialité des prix ». Cependant, des manipulations durables à long terme paraissent peu probables et la LBMA se défend de manipulations.  

Conclusion 

 

En conclusion, le marché de l’or repose sur des structures complexes dont la mécanique évolue. La fin de la fixation officielle du cours de l’or en France en 2004 illustre une transition vers des mécanismes internationaux dominés par la LBMA à Londres et le COMEX aux États-Unis. Ces deux institutions jouent des rôles complémentaires, la LBMA fixant un prix de référence à travers un processus électronique basé sur l’offre et la demande, tandis que le COMEX se concentre sur les contrats à terme permettant de spéculer ou de se couvrir contre la volatilité des prix. 

Cependant, ces systèmes ne sont pas parfaits. Si les marchés centralisés offrent une meilleure liquidité et des standards harmonisés, ils souffrent également de risques potentiels de manipulation, comme en témoignent certains incidents passés. La prédominance des « contrats papier » par rapport à l’or physique peut parfois inquiéter des investisseurs avant tout attaché au commerce de l’or local. 

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